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Myriam Goudet, première française à remporter Oxford-Cambridge en aviron

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    Rameurs Tricolores
  • il y a 3 jours
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 11 heures

Peux-tu nous parler de ton arrivée dans le monde de l'aviron ?

Le début de carrière de Myriam sous les couleurs de son club Dijon en cadette
Le début de carrière de Myriam sous les couleurs de son club Dijon en cadette

Après avoir touché à plusieurs sports (notamment la natation synchronisée), je cherchais un nouveau sport à l’âge de 13 ans. Mes parents étaient tous les deux rameurs au club de Dijon, c’est donc naturellement qu’ils m’ont suggéré d’essayer. Dans le cadre des vacances d’été, j’ai donc effectué une semaine de découverte. J’en garde un très bon souvenir. À la rentrée de Septembre je prenais ma première licence. 

De mémoire mes premiers pas à l’aviron ont été un peu laborieux. Grande pour mon âge, j’avais du mal à coordonner mes gestes et monter la cadence relevait du parcours du combattant ! Cependant, je me souviens de ma première régate : il s’agissait du Challenge Girardin au Creusot. J’avais couru en yolette. Un très grand moment….

Enfin pour la petite histoire, à l’époque le CTR de la ligue était Alexis Besançon. Je me souviens qu'il venait parfois me suivre à Dijon le mercredi après-midi. Il m’a toujours encouragé et soutenu. De manière générale, je ne dirais pas que j’ai aimé l’aviron tout de suite. Je dirais que j’ai appris à aimer l’aviron et que le plaisir a su prendre toute sa place avec le temps. Je partais de très loin. Le potentiel était là mais je manquais terriblement de maturité à tous les niveaux !


Que dirais-tu que la pratique de l'aviron, qu'elle soit en compétition ou en club, t'a apporté ?


Pour tout dire, je ne sais même pas par où commencer tellement ce paragraphe est important.

Je vais essayer d’organiser un peu mes pensées. 


Tout d’abord, je pense que l’aviron m’a permis de me découvrir en tant que personne. Introvertie à l’adolescence, j’ai appris à verbaliser, vivre en communauté lors de stages que ce soit à la ligue ou en équipe de France. L’aviron m’a appris à connaître mes limites et ce dont j’étais capable. 

De plus, l’aviron c’est plus "qu'être dans le même bateau” physiquement c’est aussi être dans le même bateau émotionnellement parlant, arriver à trouver des solutions pour résoudre les problèmes, capitaliser sur les bonnes émotions qui peuvent naître d’un équipage et tirer le meilleur de ses coéquipiers. Je trouve que construire un équipage est un très bon moyen de révéler la vraie personnalité d’une personne dans tous les sens du terme. Ces aspects me servent tous les jours dans mon travail, je me connais suffisamment pour savoir ce que je suis capable d’accepter dans ma vie personnelle et professionnelle que ce soit en termes de charge de travail, de vie en communauté où de hiérarchie. 


L’aviron de haut-niveau m’a également appris l’organisation et l’anticipation. Ce dernier point je l’ai appris à mes dépends. Je me souviens d’une saison où je n’avais rien anticipé, rien planifié. Résultats des courses cela a été une catastrophe à tous les niveaux. Mon mari me dit souvent que je suis un colonel en chef  mais j’essaie toujours d’anticiper au maximum l’organisation familiale ou mon travail. Cependant, ma vie de maman a tendance à me rappeler qu’on ne peut pas tout maîtriser. La compétition m’a aussi appris à gérer mes émotions positives et négatives.

Enfin, et non des moindres, je remercie le haut-niveau pour m’avoir entraîné à la fatigue. Avoir des enfants c’est tout aussi fatiguant :)


Comment se sont déroulés tes premiers pas équipe de France ?


Les premiers pas de Myriam en équipe de France junior, ici au 4 pour les championnats de Monde à Brandebourg en 2005
Les premiers pas de Myriam en équipe de France junior, ici au 4 pour les championnats de Monde à Brandebourg en 2005 (photo FFAviron)

Avant de commencer à raconter cette partie, je pense qu’il est important pour moi de préciser que j’ai toujours regardé la vie avec une très grande naïveté, sans jamais trop me poser de questions.

Lors de mon année de cadette 1, j’ai été approchée par la DTN qui, à l’époque, avait lancé une grande campagne de détection de jeunes filles afin de les préparer au haut-niveau. De par ma taille (1m83 à 14 ans) j’avais rapidement été repérée. La DTN avait mis en place un centre de formation à Toulouse. A l’époque je venais de mon tout petit club de Dijon, je n’avais jamais fait la Coupe de France et mon meilleur résultat se cantonnait à une finale C au championnat de France en skiff cadette. Je ramais encore en pelles Mâcon.

Après un week-end d’entretiens et de sélection j’intégrais le pôle de Toulouse à l’automne suivant. Après cela, tout s'est enchaîné : mes années juniores, mes premières sélections en équipe de France et les championnats du monde juniors.

Je me souviens qu’à cette époque je progressais très vite. L’émulation du quotidien, de voir nos aînés ramer aux championnats du monde sénior me motivaient particulièrement. J’ai toujours été assez scolaire et sérieuse et le désir de bien faire (parfois à défaut) m’ont permis de franchir les premières portes de l'équipe de France. Cependant, la route était encore longue, nos résultats aux championnats du monde étaient loin d’être brillants! Ceci a souvent été une raison de continuer afin de montrer que nous pouvions nous améliorer.


Tu t'es ensuite exilée en Grande-Bretagne. Peux-tu nous dire comment as-tu réussi à intégrer le groupe d’entrainement Oxford-Cambridge en aviron ?


Mon arrivée en Grande-Bretagne a été le début d’un tout autre chapitre de ma carrière d’aviron. J’avais laissé derrière moi l'équipe de France, le pôle et l'entraînement depuis déjà plusieurs mois, déterminée à terminer mes études.

Mon compagnon commençait son postdoctorat dans un laboratoire de recherche à Cambridge. Je venais de terminer mon master 2 et je cherchais une thèse quelque part en Europe. Je l’ai donc rejoint le temps de finaliser mes candidatures et à réfléchir à mon avenir.

J’avais, dans le même temps, trouvé des petits boulots à droite à gauche. Chemin faisant, j’ai appris à connaître l'écosystème qu’est Cambridge. Là-bas, c’est simple, tout le monde rame ou a ramé une fois dans sa vie : des étudiants aux professeurs.

J’ai donc rencontré à la fois les entraîneurs du Club de l’université de Cambridge et celui qui deviendrait par la suite mon superviseur de thèse. Ceux-ci m’ont fortement encouragé à postuler à l’université et à identifier les potentielles sources de financement.

Je vous épargnerai le marathon qu’est une candidature en doctorat à Cambridge, mais j’ai finalement été acceptée en master (à nouveau) puis en doctorat.


Ce qu’il faut savoir, c’est que le fonctionnement anglais n’est pas le fonctionnement américain. Il ne faut faire que très peu mention de ses ambitions sportives, mais plus mettre en valeur son parcours académique et comment intégrer cette université doit nous permettre d’atteindre nos objectifs personnels. A posteriori, je pense que ma candidature rassemblait plusieurs critères : un bon niveau académique, un professeur de l’université qui soutenait ma candidature et avec qui nous avions écrit un projet de recherche, et le soutien du club de l’université qui, entre les lignes, avait su me flécher les bourses.

Cependant, à l’époque, je ne souhaitais pas nécessairement me relancer dans un projet sportif, j’avais 26 ans et j’avais arrêté l'entraînement depuis plusieurs mois. Néanmoins, étudiante immatriculée à l'université, je remplissais tous les critères d’éligibilité pour tenter ma chance pour la Boat Race Oxford Cambridge en aviron. C’est comme cela que tout a commencé, j’ai donc rejoint le club début septembre 2015 et j’étais repartie pour 12 entraînements/semaine. 


Tout était organisé pour que nous puissions réaliser nos études. Entraînement à 6h du matin, 9h au laboratoire pour moi (les autres en cours), jusqu’à 17h15 et second entraînement. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il est très difficile de ramer à Cambridge. La Cam (la rivière) est très petite et est réservée aux clubs locaux et aux collèges. Nous devions prendre le train à 5h50 pour Ely qui se trouve à une trentaine de km de Cambridge et où se trouve le club. Nous devions être sortie de l’eau à 8h pour être dans le train de 8h20 et à l’université pour 9h.

Le second entraînement avait lieu en centre ville et était réservé aux loooongues séances d’ergo et de musculation. Donc pour répondre à la question, les études priment toujours mais ils savent très bien organiser l’emploi du temps pour que nous fassions toutes nos séances ! En tout, j’ai été étudiante là-bas pendant 4 ans et demi. J’ai pu faire 3 Boat Race, la dernière année et demi j’en avais assez de me lever tôt et j’étais fatiguée mentalement. J’ai donc terminé ma thèse en toute quiétude mais j’aurais pu faire une 4ème Boat Race !


Aviron/études/vie professionnelle : comment t'es tu organisée ?


Aujourd’hui, je suis consultante en financement de l’innovation. Je travaille dans un cabinet de conseil. J’accompagne des start-ups, des PME ou de grandes entreprises à financer leurs projets de Recherche & Développement. En d’autres termes, j’écris des dossiers de subventions. Pour le coup, l’aviron n’a pas du tout influencé mon orientation professionnelle. Ne souhaitant pas poursuivre une carrière dans la recherche, mon défi a été d’aller adresser le monde professionnel avec un doctorat très mal reconnu en France, d’un pays étranger qui plus est. 

J’ai commencé à réfléchir à mon "après carrière" sportive en deux temps. Comme expliqué précédemment, ma carrière sportive s’est déroulée en deux temps. En 2013, j’étais à un tournant dans ma vie : viser les JO 2016 ou tourner la page. J’ai choisi de tourner la page et de m’investir dans mes études et la poursuite d’un doctorat. Cette période de transition m’a permis de me tourner vers un début d’avenir professionnel, le doctorat étant une expérience professionnelle à part entière. Puis ma seconde carrière sportive a commencé. Je savais que ça ne durait qu’un temps assez court, j’ai eu le loisir pendant toute ma thèse de réfléchir à l’après. J’ai donc, au cours de mon parcours, suivi les formations afin de me tourner vers une carrière dans le secteur privé. 


Penses-tu que la pratique de l’aviron a développé chez toi des qualités indispensables à la réussite ?



Victoire en 2018 de Myriam en 2- aux championnats bateaux courts (crédit photo Pepée Michel)
Victoire en 2018 de Myriam en 2- aux championnats bateaux courts (crédit photo Pepée Michel)

La notion de réussite pourrait être l’objet d’un long débat de mon côté ! Comment définir la réussite ? Je pense que le plus important pour moi est que l’aviron m’a enseigné l’échec, la patience, la résilience et surtout que tout passe avec le temps : il y aura toujours des jours meilleurs après des moments compliqués et inversement. Comment on dit en anglais “life moves on” ? Je dirais aussi que l’aviron m’a appris à me concentrer sur ce que je pouvais contrôler. Je ne peux pas influencer une stratégie fédérale en tant que rameur ou celle d’une entreprise, par contre je peux contrôler la qualité de mon travail, le soin que je porte à mes clients ou encore le libre choix de changer de voie si je ne suis pas heureuse, tout comme j’avais le contrôle sur la qualité de mon entraînement et ma régularité.


Je dirais qu’il faut s’entourer des bonnes personnes pour arriver à concilier haut niveau et formation. Il faut montrer que nous sommes des personnes fiables et de confiance et s’entourer de gens bienveillants et prêts à aider. Je dirais que le mieux est de trouver un duo gagnant: parrain de formation et entraîneurs compréhensifs. J’ai vu des rameurs concilier études de médecine et très haut niveau. Je pense que si on sent au fond de soi qu’on est capable de concilier les deux, alors il faut se lancer.


Aujourd'hui, quelle est ta relation avec avec l'aviron ?


Aujourd’hui, je suis toujours licenciée, je rame très peu mais je fais très souvent de l’ergo dans mon garage ! Sinon, je fais un peu de course à pied, du circuit training et un peu de natation à l’occasion. J’essaie d’être régulière, mais c’est difficile !

Aujourd’hui, je ne suis pas investie dans mon club. Par contre, j’ai été la dernière olympiade membre du bureau exécutif de la FFA. Depuis le mois de novembre, je suis juste responsable de la commission des relations internationales. Au cours de ma carrière sportive, j’ai eu la chance de découvrir de nombreux clubs petits et grands. Toutes ces institutions, peu importe leur taille, fonctionnent uniquement parce qu'il y a des bénévoles.

Je suis très reconnaissante envers toutes les personnes de près ou de loin qui ont contribué à ma carrière sportive. M’investir de cette façon, c’est rendre un petit bout de ce qu’on m'a donné.

La passage de Myriam au bureau exécutif de la FFA
La passage de Myriam au bureau exécutif de la FFA (photo FFAviron) 

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes rameurs qui débutent aujourd'hui l'aviron ?


Un jour, ma fille de 4 ans m’a dit : “Maman le contraire de faire des bêtises, c’est de vivre”. Cela m’a quelque peu remuée parce qu'au fond elle avait raison. Le conseil que je donnerais aux jeunes rameurs, c’est de vivre pleinement leur passion sans se poser (trop) de questions. Lorsqu’on grandit et/ou vieillit, on peut alors regarder en arrière, peu importe les bons et les mauvais moments, et se dire qu’on aura vécu une formidable expérience. 

Concernant les rameurs venant de remporter un grand succès international, il est dur pour moi de donner des conseils.

Mon côté scientifique me rappelle toujours que, dans la nature, les écosystèmes cherchent en permanence leurs équilibres. Je pense que la vie est ainsi faite également : pour un très haut, il y a un très bas. Je pense qu’il faut savoir trouver le fil d’Ariane de sa vie. Personnellement, j’ai toujours aimé cette dualité, gagner une course importante et me retrouver dans mon laboratoire le lendemain sans que personne ne sache ni quoi ni qu’est-ce et me retrouver au milieu de conversations totalement banales. Le monde continue de tourner en dehors de notre bulle personnelle.


Selon toi, que faudrait-il entreprendre pour l'aviron féminin en France ? As-tu un avis sur la question ? As-tu observé une différence entre la France et la Grande-Bretagne ?


Vaste question !! Avant toute chose, je pense que nous n’avons rien à envier au système anglais. Pour qu’un équipage avance vite, il faut être intelligent et savoir tirer le meilleur de ce que chacun a apporté. Je dirais que pour l’aviron féminin, il faut faire pareil. En matière de haut niveau, j’ai pu voir et côtoyer des athlètes exceptionnelles en France !

En ce qui concerne les différences de traitement entre les filles et les garçons en France, je ne pourrais pas juger de la situation actuelle. J’aurais tendance à dire qu’il n’y a pas/peu/plus ? de différences de traitement. En Angleterre, il n’y en a clairement pas. Au niveau des clubs, j’aurais tendance à dire qu’il y en a de moins en moins en France et en Grande-Bretagne !

Pour moi, l’inspiration à prendre de leur côté est de rêver grand. Parfois en France, rêver grand est synonyme d’ambition mal placée. Là-bas, dire haut et fort qu’on souhaite gagner les Jeux Olympiques alors qu’on a juste fait le meilleur chrono à l’ergo de son club est bien plus respecté !


As-tu une anecdote, un apprentissage, une histoire que tu pourrais nous partager ?


J’ai eu la chance de participer à trois Boat Race, en 2016, en 2017 et en 2018. Si les deux dernières années ont été victorieuses et représentent des émotions à part, ma première expérience a été un naufrage au sens propre et figuré, puisque nous avons coulé en direct à la télé. Cela a été une expérience très étrange. La particularité de la Boat Race c’est que tu gagnes ou tu perds devant des millions de téléspectateurs…. La défaite va au-delà de l’équipage, c’est également la défaite d’un club, d’un fonctionnement à réinventer, de l’université. C’est assez puissant. On ne parle pas d'échec individuel, mais collectif. J’ai ainsi pu observer les efforts incommensurables du club pour transformer ces échecs en victoires. J’ai beaucoup appris sur le pouvoir du collectif. L'énergie phénoménale qu’il faut déployer pour renverser une tendance et entretenir une dynamique le plus longtemps possible en sachant qu’elle finira inévitablement par s’inverser en faveur de l’autre club.

Pour moi, la plus grande leçon ici est qu’on ne réussit jamais seul. J’ai appris qu’il faut toujours bien s’entourer pour bien rebondir.


Le palmarès sportif de Myriam Goudet


Championnats de France :

Championne de France en deux sans barreur junior fille (JF2-) en 2005 et 2006

Médaillée de bronze aux Championnat de France bateaux courts en 2017

Championne de France en deux sans barreur séniore (F2-) en 2018

Médaillée de bronze au Championnat de France sprint avec Dijon en F4X en 2012


Equipe de France :

10ème au championnat du monde junior en W4- en 2005

5ème au championnat du monde junior en W8+ en 2006

7ème au championnat du monde -23 ans en W4X en 2007

4ème au championnat du monde -23 ans en W4- en 2009

6ème au championnat d’Europe en W8+ en 2009

5ème au championnat du monde -23 ans en W8+ en 2010

8ème au championnat d’Europe en W8+ en 2010

3ème à la régate de qualification olympique en W4X en 2012


Grande-Bretagne :

Boat Race : 2016 (perdu), 2017 (gagné) et 2018 (gagné)

Vainqueur de Henley women’s regatta (2013), Women’s Head of the River (2013) et plusieurs titres nationaux.









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