Voilà, c'est fait. Le congrès extraordinaire de la FISA a voté, ce 11 février 2017 à Tokyo, le remplacement du 4 sans barreur poids-léger par le 4 sans barreur féminin "toutes catégories" (TC) pour les prochains Jeux Olympiques de Tokyo 2020.
Le 4 sans barreur poids léger (PL) avait été introduit aux championnats du monde en 1975. L’objectif était de populariser notre discipline dans des pays dont le gabarit des athlètes ne pouvait percer (pays asiatiques, sud-américains, etc…) au niveau mondial et olympique. L’écart sur un 2000 mètres en 4- entre la catégorie PL et la catégorie TC était estimé à cette époque à 20 secondes, environ. Cela aidait à la justification pour la création de cette catégorie de poids. L’aviron poids-léger n’étant pas encore intégré aux Jeux Olympiques, il n’intéressait alors que peu de pays « historiques » du monde de l’aviron à une époque où les équipages du bloc de l'est, et notamment l'Allemagne de l'Est, remportaient un maximum de titres mondiaux et olympiques.
Ce fut en 1996, aux JO d’Atlanta, que le 4- PL été intégré au programme olympique. Le nombre d’inscrits dans les épreuves se mit alors à grossir, les épreuves y devenant à la fois denses et très disputées (plus de 20 engagés en moyenne aux mondiaux). Des pays peu récompensés aux JO décrochèrent des médailles dont ils n’auraient pas vu la couleur en « toutes catégories », dont notamment le Danemark (10 médailles), la Chine (2 médailles), l’Irlande, l’Afrique du Sud, etc… .
Dans ce bateau très rapide, les écarts à l’arrivées sont extrêmement réduits et les médailles plus que largement méritées. La forte concurrence dans les épreuves a entraîné une belle progression du niveau. A tel point que les écarts entre le 4-HPL et le 4-HTC sont désormais proches des 5 secondes sur 2000 mètres. A conditions égales, sur les 16 finales de Coupe du monde à Lucerne entre 2000 et 2016, l’écart moyen est de 4,2 secondes (B).
Des médailles fréquentes pour les 4 sans barreur PL français.
La France y a réussi dès le début aux championnats du monde, puis aux Jeux Olympiques (voir A ci-après). Ainsi, dans notre pays, ce sont 47 rameurs qui ont porté les couleurs nationales en 4-PL aux Championnats du monde depuis 1975. Ils nous ont rapporté 11 médailles mondiales (4 en Or, 5 en Argent et 4 en Bronze). Aux Jeux Olympiques, 15 rameurs ont porté nos couleurs sur 5 des 6 épreuves olympiques en 4- PL depuis 1996. Ils ont ajouté à notre tableau 1 médaille d'Or en 2000 et 1 médaille de Bronze en 2016.
Nous sommes tous déçus pour les rameurs de tous les pays qui trouvent leur bonheur dans cette catégorie, et encore plus pour nos rameurs français qui travaillent très dur pour porter chaque année nos couleurs au plus haut niveau mondial et olympique. La porte se referme brutalement devant entre eux.
Les critères pour une telle décision à expliquer au public.
La décision de la FISA en février 2017 de remplacer les 4-PL hommes aux Jeux Olympiques par le 4-W (femmes) TC peut poser questions. La volonté annoncée était de répondre aux critères du CIO qui vise à équilibrer dans chaque discipline le nombre de participants femmes et hommes. Une autre option proposée à la FISA consistait à supprimer le 4-HTC (hommes), un bateau historique (quasi universel après l’arrêt du 4 barré), par le 4-W TC (femmes). Ce choix est-il logique et transparent ? Chacun a son avis que ce soit dans un sens ou dans l’autre et nous ne porterons pas de préférence. Toutefois, les arguments chiffrés ayant aidé à cette décision n’ont pas transpiré, à savoir quelques comparatifs :
sur le nombre d’engagés lors des championnats du monde (quotas d’engagés moins limités qu’aux JO),
sur les écarts à l’arrivée entre les participants (l’un des deux bateaux apporte-t-il le plus de spectacle ?),
le nombre de pays peu médaillés par ailleurs, ayant réussi grâce à cette catégorie,
les écarts de chronos sur 2000 mètres entre le 4-TC et le 4-PL,
etc…
Bref peu ou pas d’éléments concrets sont remontées et qui permettraient au public et aux rameurs, sinon de l’accepter, de mieux comprendre une telle décision.
Avec un peu de recul et de hauteur, et en se mettant à la place des membres du CIO qui ne connaissent pas voire n’apprécient pas l’aviron, le vote de la FISA pourrait s'expliquer, surtout si on compare les chronos des deux catégories (voir B ci-après). Mais cette raison, voire d'autres, a-t-elle contribué au choix ?
Pour le CIO, les catégories de poids, hormis quelques disciplines (Boxe, Judo, …), ne sont pas acceptables. Sous prétexte que cela existe à l'aviron, faudrait-il ajouter de telles catégories pour toutes les disciplines sur lesquelles le poids peut avoir un impact sur le résultat (gymnastique, voile, …) ? Beaucoup d’autres sports seraient concernés. Bref, une augmentation et une duplication du nombre d’épreuves et de titres qui banaliserait et dévaloriserait complètement le titre olympique, ce que ne souhaite pas le CIO, sans aborder le surcoût lié au nombre de participants supplémentaires.
Un impact non négligeable pour les rameurs et pour le futur de l'aviron.
Alors, c’en est terminé du 4-HPL aux Jeux Olympiques. Et comme pour le deux barré puis le quatre barré dans le passé, l’impact sera sans doute lourd pour notre discipline qui verra peu à peu se vider ce bateau de ses participants, que ce soit au niveau mondial, puis progressivement au niveau national, puis régional, puis dans les clubs. Et pourvu que les jeunes "vrais" poids-léger ne préfèrent pas une autre discipline plus adaptée à leur petit gabarit. Il est probable que l'aviron va avoir à se remettre fortement en cause pour relancer le recrutement de jeunes rameurs de "petits" gabarits.
Pour conclure positivement :
Mais tout de même : Vu les écarts constatés entre PL et TC, on voit bien que l’accès aux bateaux toutes catégroies est loin d'être impossible pour les rameurs poids léger (comme avant 1975). La comparaison des résultats des championnats de France Bateaux courts en 2- sur les 10 dernières années en est la preuve (voir C ci-après). Nombreux auraient été les poids-léger qui avaient leur place à bord de bateaux TC. Et si on avait osé, peut-être les échecs vécus sur certains gros projets TC ces derniers temps n'auraient pas eu lieu. Mais l'histoire n'appartient-elle pas à ceux qui l'ont faite.
Patrick Bosdeveix
Crédit photos (A) :
RIO 2016 - Thibault COLARD, Guillaume RAINEAU, Thomas BAROUKH, Franck SSOLFOROSI : France Télévision
Sidney 2000 - BETTE Jean-Christophe, DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PORCHIER Laurent : Album photos de l'Association des internationaux d'Aviron
Pékin 2008 - BETTE Jean-Christophe, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck, TILLIET Fabien : Album photos de l'Association des internationaux d'Aviron
Villach 1975 - COUPAT André, PELLEGRI Francis, PICARD André, PICARD Michel : "Aviron et Rameurs de France" de Jean-Pierre Drivet (livre auto édité)
(A) Tous les résultats français en 4- PL depuis 1975, année de création de la catégorie : (nota : le noms des rameurs est classé par ordre alphabétique)
Aux Jeux Olympiques :
1996 - 7ième - BARRE Stéphane, DALL'ACQUA Henri-Pierre, DORFMAN Xavier, GUERINOT Stéphane
2000 - 1ier - BETTE Jean-Christophe, DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PORCHIER Laurent
2008 - 4ième - BETTE Jean-Christophe, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck, TILLIET Fabien
2012 - 7ième - BAROUKH Thomas, MOREAU Fabrice, MOUTTON Nicolas, SOLFOROSI Franck
2016 - 3ième - BAROUKH Thomas, COLARD Thibault, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
Aux championnats du monde :
1975 - 1ier - COUPAT André, PELLEGRI Francis, PICARD André, PICARD Michel
1976 - 1ier - COUPAT André, PELLEGRI Francis, PICARD André, PICARD Michel
1977 - 1ier - COUPAT André, PELLEGRI Francis, PICARD André, PICARD Michel
1983 - 11ième - AVRIL Gérard, BAILLEUX Jean-François, RAZAT Bertrand, ZAMBON Thierry
1985 - 9ième - BEROUD Arnaud, FARELLE Thierry, IRAZUSKA Laurent, SAURET Jacques
1988 - 4ième - CAMUS Fabrice, GUERINOT Stéphane, MASSON Benoît, PORCHIER Laurent
1989 - 8ième - ANDOLFI Frédéric, GUERINOT Stéphane, LOEILLOT Marc, OYARZABAL Jose
1990 - 2ième - GUERINOT Stéphane, IRAZUSKA Laurent, MASSON Benoît, OYARZABAL Jose
1992 - 3ième - BEL Sébastien, GUERINOT Stéphane, MASSON Benoît, OYARZABAL Jose
1993 - 7ième - ALIX Christophe, BEL Sébastien, DORFMAN Xavier, OYARZABAL Jose
1994 - 5ième - BARRE Stéphane, BEL Sébastien, DORFMAN Xavier, PINON Stéphane
1995 - 14ième - BARRE Stéphane, GUERINOT Stéphane, LEONARD Yoan, SPICQ Alexandre
1997 - 2ième - DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PINON Frédéric, PORCHIER Laurent
1998 - 2ième - DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PINON Frédéric, PORCHIER Laurent
1999 - 3ième - BERNARD Jean-David, DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PORCHIER Laurent
2001 - 3ième - BETTE Jean-Christophe, DORFMAN Xavier, HOCDE Yves, PORCHIER Laurent
2002 - 6ième - BETTE Jean-Christophe, BUSSIERE Franck, PERON Erwan, TOURON Pascal
2003 - 14ième - BETTE Jean-Christophe, PERON Erwan, POUGE Jérémy, TILLIET Fabien
2005 - 1ier - BETTE Jean-Christophe, POUGE Jérémy, SOLFOROSI Franck, TILLIET Fabien
2006 - 2ième - BETTE Jean-Christophe, POUGE Jérémy, SOLFOROSI Franck, TILLIET Fabien
2007 - 2ième - BETTE Jean-Christophe, POUGE Jérémy, SOLFOROSI Franck, TILLIET Fabien
2009 - 5ième - FAUCHEUX Vincent, MOREAU Fabrice, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
2010 - 7ième - MOREAU Fabrice, MOUTTON Nicolas, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
2011 - 10ième - MOREAU Fabrice, MOUTTON Nicolas, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
2013 - 4ième - BAROUKH Thomas, MOUTERDE Augustin, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
2014 - 4ième - DURET Clément, ONFROY Théophile, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
2015 - 3ième - BAROUKH Thomas, COLARD Thibault, RAINEAU Guillaume, SOLFOROSI Franck
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