S’il est des rameurs qui sont discrets, Jonathan Coeffic en fait partie, consacré par une brillante carrière qui s’est terminée au cours de l’olympiade de Londres 2012, en septembre 2011, et après 12 années passées au niveau international. Son palmarès impressionnant sous le bras, et tout comme le fut sa carrière, ce départ en retraite reste des plus discrets.
Jonathan a accepté de se livrer à nous à cœur ouvert dans une interview intéressante tellement elle est transparente et complète et nous l’en remercions vivement.
Tes débuts à l'aviron
AIA : Comment et pourquoi tu es arrivé dans ton club ?
JC : J’ai débuté l’aviron à 11 ans. Mon médecin de l’époque avait conseillé à mes parents de me faire essayer ce sport. On m’a toujours dit que c’est parce que j’avais grandi un peu vite et qu’il fallait que je me muscle le dos, mais avec le recul et les photos de l’époque, je me dis que mon léger embonpoint en était une des raisons cachées…Il y avait un club près du cabinet de ce médecin, mais mes parents, lors de leur recherche pour m’inscrire se sont trompés de club et m’ont emmené à l’aviron Majolan. Et c’est là que j’ai fait toute ma carrière.
AIA : Tes premiers pas à l'aviron, ta première régate, ton meilleur souvenir de cette époque ?
JC : Ma première année d’aviron m’a plu pour l’ambiance qui régnait au club. Je n’aimais pas particulièrement ramer à l’entrainement, et préférais quand le vent soufflait fort et qu’on allait jouer au foot dans le parc voisin. Malgré tout j’avais tenté de mentir sur mon âge car les benjamins ne faisaient pas de compétition et qu’au fond de moi, je commençais à avoir la flamme. Mais bien sûr ça n’a pas marché…La naïveté de la jeunesse…Ensuite mes meilleurs souvenirs de cette époque datent de la 2nd année de minime. Je ramais en double, qui plus est, avec un ami d’enfance, et nous étions assez facilement dans les meilleurs de la région, puis de France. J’ai encore en mémoire un entrainement matinal en stage de club au mois d’avril ; tout était très calme, une brume de quelques dizaines de centimètres recouvrait le plan d’eau, le soleil commençait à poindre, et nous sommes montés sur l’eau. J’ai ressenti à ce moment là une plénitude parfaite. C’était magnifique. Nous avons également pu faire notre première course avec des cygnes. J’ai peut être compris à ce moment là que ce sport était magique.
Malheureusement, aux championnats de France minimes, cette même année, une fausse pelle (de ma part) à 30 m de la ligne d’arrivée, alors que la 2nd place nous était promise, nous rejette inexorablement à la 6ème place. Bizarrement ma première belle saison c’est terminé par un drame (à l’époque s’en était un).
École de la vie
AIA : Qu’est-ce que la pratique de l'aviron, en compétition, dans ton club, t’a apporté ?
JC : Avant tout, je crois que j’ai appris à me connaître et à avoir confiance en moi. J’ai appris que toute récompense mérite son prix, et que le travail, la rigueur, l’obstination avec une dose de bon sens, nous emmène à peu près là où on voulait aller.
AIA : Médaillé de bronze aux JO de Pékin 2008, vice-champion du monde 2007 à Munich, de nombreuses fois sélectionné en équipe de France et médaillé au championnat de France, que représente pour toi « l’équipe » ?
JC : L’équipe c’est déjà un moyen de faire à plusieurs ce que l’on ne pourrait pas faire seul. Par conséquent, c’est une force. C’est aussi rendre une performance encore plus belle parce qu’elle est partagée et que toute l’équipe sait l’énergie et le travail que cela à demandé. Sur le moment, gagner seul est très valorisant et rend très fier. Mais je me rends compte aujourd’hui que les souvenirs qui me reviennent en premier à l’esprit sont des moments collectifs.
Je sais que toute ma vie je pourrais me remémorer ces souvenirs avec mes coéquipiers ou entraineur de l’époque. Eux qui savent parce qu’ils ont vécu ces moments là avec moi.
Ta carrière internationale
AIA : Quel regard portes-tu sur ta carrière de sportif de haut-niveau ?
JC : De la nostalgie je crois, et un beau souvenir de façon certaine. Même la plupart des moments difficiles deviennent avec le temps des bons souvenirs, car je me rends compte que ces déceptions, échecs, ou entraînements qui à l’époque me donnaient envie de chialer, de crier ou de me taper la tête sur un mur (et oui ca m’est arrivé…) faisaient parti d’un tout et que ce tout est une belle chose.
Ma carrière à beaucoup participé à ce que je suis aujourd’hui. J’ai travaillé pour accomplir des objectifs, que j’ai atteint pour certains, mais j’ai surtout, et je me répète, des centaines de souvenirs qui font partis de moi et me donne parfois la force de m’investir dans de nouveaux projet, en sachant que, aussi dur que ce soit, j’en retirerais du bon.
AIA : Tes 2 ou 3 moments les plus forts, ce que tu en as retenu ?
JC : Ce n’est pas évident de ne retenir que 2 ou 3 moments. Je dirais que lorsque je repense à ma carrière, les moments qui me revienne systématiquement sont la finale des championnats du monde 2007 à Munich en 4X avec Jean-David, Julien et Cédric, et notre 2nd place. La demi-finale des championnats du monde de Séville en 2002 en 4X avec Fred Doucet, Xavier Philippe et Julien Despres : nos premiers championnats du monde et une presque finale si nous n’avions pas laissé passé les Biélorusses à 100 m de la ligne…
J’ajouterai mon titre en skiff en 2006, qui a été très intense pour moi, et les championnats du monde 2005 au Japon en 2X avec JB Macquet.
Pour finir, les régates Royale d’Henley en 2006. Course atypique et géniale.
Globalement ce sont surtout des instants de partage avec des personnes qui sont devenus des amis. Mais la liste n’est pas exhaustive : en repensant à tous ça, beaucoup d’autres moments forts me reviennent à l’esprit.
AIA : Tes 2 ou 3 plus grosses frustrations ou déceptions et ton analyse à posteriori ?
JC : Le temps a passé, mais je garderai toujours en mémoire le manque de sérénité entre le moi d’avril 2008 et les jeux olympiques de Beijing. Je suis passé de la conviction que rien ne pouvait m’arriver, avec une confiance sans limite dans le groupe, à un état de doute permanent pendant toute la saison internationale, suite aux choix du directeur des équipes de France. J’ai beau penser encore et encore à tous ça, je n’arrive pas à me satisfaire de la façon dont cette saison s’est déroulée et à en comprendre la logique sportive. Si je pouvais recommencer et changer quelque chose, ce serait ça.
Manquer la finale mondiale en 2005 (2x), année ou le podium nous était accessible. La encore nous n’avons pas su rester serein en fin de course, alors que nous étions dans les places qualificatives.
AIA : La carrière d’un champion, c’est aussi opter au bon moment pour le bon choix. A posteriori, as-tu le sentiment d’avoir fait un mauvais choix à un moment de ta carrière et le quel ? Si tu pouvais recommencer, que ferais-tu ?
JC : Il y a un choix que j’ai fait, et que je regrette. Mais je l’ai pris parce que j’en avais vraiment besoin :
Il s’agit de la période « sabbatique » que j’ai voulu prendre après les jeux olympiques de 2008. Parfois je me demande ce qui se serait passé si je n’avais pas dit à l’équipe : « faites sans moi cette année, on verra ou j’en suis au mois d’avril, et ce que je donnerai à ce moment là ». Je fais 3ème cette année là en skiff, et pas loin de la 2nd place, et je me demande ce qu’aurait été la suite de cette saison et les saisons suivantes si je m’étais plus entrainé cet hiver là. Il y a vraiment eu pour moi et mes performances un « avant Pékin » et un « après Pékin » : J’ai un peu l’impression que m’a carrière s’est arrêté fin 2008, alors que j’ai ramé jusqu’aux championnats du monde 2011.
A posteriori je me dis donc que j’aurai du : soit mettre un terme définitif à ma carrière après les JO en 2008, soit continuer à fond. Mais pas faire les choses comme à moitié. Tout ceci est beaucoup plus facile à dire maintenant qu’à faire à l’époque…
Reconversion
AIA : Quelles études/formations as-tu mené et quelle est ta profession ?
JC : J’ai fait mes études à l’INSA de Lyon en section Sport-études : cette école d’ingénieur m’a offert, à moi et beaucoup d’autres sportifs, une vrai solution pour mener ces projets pro et sportif de front. Aujourd’hui, je suis « ingénieur méthodes » dans le bâtiment : Je m’occupe d’organiser les chantiers de construction de bâtiment. Pour faire simple mon boulot est de faire le chantier sur le papier avant que d’autre le réalise en vrai. C’est la dernière phase d’étude avant la production et cela permet d’anticiper les problèmes (autant que possible…). Nous faisons les plannings, le choix des matériels et de leur quantité, le choix des techniques de construction, et des modes opératoires, la sécurité des ouvriers…
AIA : L'aviron a-t-il influencé ton orientation professionnelle ?
JC : Je ne peux pas le nier : peut-être aurais-je choisi une autre voie, une voie qui ne proposait pas d’aménagement sport-étude. J’ai suivi mon cursus sans trop réfléchir en prenant à chaque fois la moins mauvaise solution pour continuer à ramer et assurer mon avenir professionnel. Ce qui est sûr c’est que le sport de haut niveau m’a empêché de faire certains choix, mais d’un autre coté, il m’en a permis d’autres. Ce que j’ai vécu me suffit amplement pour me dire que mes choix ont été les bons et que je n’ai pas à essayer de savoir ce qu’aurait été ma vie autrement.
AIA : Penses-tu que la pratique de l’aviron a développé en toi des qualités, des compétences ou des comportements particuliers qui seraient indispensables à la réussite ? Lesquels et comment t’en sers-tu dans ta vie professionnelle ?
JC : Je pense que j’ai appris que le travail paie, j’ai appris à avoir confiance en moi et envers les autres, et j’ai appris le bon sens des relations humaines. J’ai appris l’importance des choses, et cela m’aide énormément dans la gestion du stress en général : je pense maintenant savoir accorder beaucoup d’importance à quelque chose, y donner beaucoup d’énergie, sans que cela m’atteigne trop personnellement.
AIA : Mener de front haut niveau sportif et formation est souvent difficile en aviron. Quels sont les 2 ou 3 conseils que tu pourrais donner aux jeunes rameurs et rameuses qui, comme toi, ont choisi cette voie ?
JC : Je pense que m’a génération et les suivantes ont pu et pourront bénéficier de solutions très intéressantes pour réussir sur les 2 plans. Mon conseil est d’être persuadé que de réaliser ses 2 projets de front donne un équilibre inestimable et que la réussite de l’un entraîne mécaniquement la réussite de l’autre. Le tout est de fournir l’effort au bon moment. Si des questions précises se posent chez les jeunes rameuses et rameurs d'aujourd’hui, je suis prêt à y répondre, et je pense que tous mes collègues le sont aussi. Donc mon dernier conseil est de demander conseil aux personnes qui ont suivi cette voie, chacun ayant sa propre vision des choses.
L'aviron, le sport et toi, aujourd'hui ?
AIA : Tu prends ta retraite internationale aujourd’hui. Continueras-tu à ramer ?
JC : J’ai arrêté de ramer en septembre 2011 et n’ai jamais remis les fesses (pour être poli) dans un bateau depuis. Excepté pour la vogalonga 2012 (traversé de Venise en yolette) qui a été un super événement : très très différent de ce que j’ai vécu avant, mais super sympa. Je ne me sens toujours pas l’envie de ramer car je ne suis pas encore prêt à le faire en dilettante. J’ai encore la vision de l’aviron en « tout ou rien », et je n’ai plus le temps de ramer plusieurs fois par semaine…Et puis j’ai envie de faire autre chose de mes WE…
Général
AIA : Tu as donné l'impression d'aimer le mode de vie que te procure l'aviron plus que la compétition de haut niveau. Qu'en penses-tu ?
JC : Désolé, mais je dirais plutôt l’inverse. Enfin, je ne sais pas quelle impression j’ai donné, mais ce qui est sur c’est que c’est la compétition qui me permettait de m’entraîner au quotidien. La ou je rejoins l’énoncé de la question, c’est que jamais beaucoup le mode de vie de la saison de compétition, l’enchaînement des événements, les rituels sur les bassins que l’on finit par très bien connaitre (Munich, Lucerne, Poznan…), l’ambiance dans l’équipe qui prépare ces événements. Ces moments de l’année où l’on n’a pas vraiment le temps de penser tellement les choses vont vite et sont captivantes. Je n’aimais pas particulièrement les stages, mais j’aimais les prépas et les compétitions. Et je suis persuadé de ne pas être le seul dans ce cas…
AIA : Racontes-nous une anecdote, une histoire, un entraînement, une course, un fait marquant de ta vie de rameur.
JC : A brûle pourpoint je n’ai pas d’anecdote particulière qui me vient en tête.
Ce qui me vient, la tout de suite est que, lorsque je ramais, à l’entrainement, dans des conditions délicates, avec du vent de travers bien froid par exemple, je me demandais souvent « qu’est ce que je fous là ?». La réponse était pourtant évidente : pour la performance. Lorsque je repense à ces mêmes instants aujourd’hui, je me demande : « est ce qu’à l’époque j’avais vraiment envie d’être ailleurs ?» La réponse est non. « Est-ce que ces moments me manquent ? » et bien je trouve ça fou mais oui, même ces moments là font parti des bons souvenirs.
Les seuls moments que je suis content d’avoir derrière moi, sont ces courses, ou rien ne va, et, largué pas les adversaires, on attend le passage de la ligne en se posant cette même question : « qu’est ce que je fous là put… ». La course est interminable, ca fait mal, on est déçu …mais ce genre de course fait parti du jeu…
Le palmarès de Jonathan Coeffic (source www.ffaviron.fr)
2011
13e en quatre de couple au Championnat du Monde à Bled (Slovénie)
10e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
6e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Munich (Allemagne)
6e en skiff au Championnat de France à Aiguebelette (73)
2e en deux de couple au Championnat de France Brive-la-Gaillarde (19)
2009
5e en quatre de couple au Championnat du Monde à Poznan (Pologne)
7e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
12e en deux de couple à la Coupe du Monde à Banyoles (Espagne)
3e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
6e en quatre de couple au Championnat de France à Aiguebelette (73)
2008
3e en quatre de couple aux Jeux Olympiques à Pékin (Chine)
2e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Poznan (Pologne)
4e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
3e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Munich (Allemagne)
2e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
2007
2e en quatre de couple au Championnat du Monde à Munich (Allemagne)
2e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
3e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Amsterdam (Pays-Bas)
5e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Linz-Ottensheim (Autriche)
3e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
2006
10e en quatre de couple au Championnat du Monde à Eton (Grande-Bretagne)
2e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Poznan (Pologne)
5e en deux de couple à la Coupe du Monde à Munich (Allemagne)
1er en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
2005
7e en deux de couple au Championnat du Monde à Gifu (Japon)
8e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
10e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Munich (Allemagne)
2e en skiff au Championnat de France à Brive-la-Gaillarde (19)
7e en quatre de couple au Championnat de France à Mantes-la-Jolie (78)
2004
13e en quatre de couple aux Jeux Olympiques à Athènes (Grèce)
8e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Munich (Allemagne)
6e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Poznan (Pologne)
3e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
2003
8e en quatre de couple au Championnat du Monde à Milan (Italie)
8e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
8e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Milan (Italie)
3e en skiff au Championnat de France à Brive-la-Gaillarde (19)
1er en quatre de couple au Championnat de France à Vaires-sur-Marne (77)
2e en quatre de couple à la Coupe de France à Vichy (03)
2002
12e en quatre de couple au Championnat du Monde à Séville (Espagne)
1er en quatre de couple à la Régate mondiale des moins de 23 ans à Gènes (Italie)
12e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Lucerne (Suisse)
7e en quatre de couple à la Coupe du Monde à Hazewinkel (Belgique)
1er en quatre de couple à la Régate Mondiale des moins de 23 ans à Gène (Italie)
7e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
1er en quatre de couple au Championnat de France à Aiguebelette (73)
2001
9e en skiff au Championnat de France à Brive-la-Gaillarde (19)
2000
7e en quatre de couple à la Coupe des Nations à Copenhague (Danemark)
9e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
1er en quatre de couple au Championnat de France à Vaires-sur-Marne (77)
1999 - Junior
17e en deux de couple au Championnat du Monde à Plovdiv (Pologne)
2e en skiff au Championnat de France à Cazaubon (32)
1er en deux de couple au Championnat de France à Vichy (03)
1998 - Cadet
1997
3e en quatre de couple au Championnat de France à Vichy (03)
1996
Minime
1995
1994
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