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Photo du rédacteurRameurs Tricolores

De drôles de croque-morts...

Dernière mise à jour : 17 déc. 2019

Le 19 décembre 1964, voilà tout juste 55 ans, fut un jour qui a marqué l’Histoire de Paris et de la France. Il marquait aussi à vie huit rameurs du Bataillon de Joinville de retour, pour quelques uns, des Jeux Olympiques de Tokyo.

Sous un froid saisissant, ils avaient la mission de porter sur leurs épaules le cercueil contenant les cendres de Jean Moulin (1) pour les déposer au Panthéon.


Merci à Pierre Maddaloni pour avoir partagé avec nous cette journée mémorable.

Entrée au Panthéon des cendres de Jean Moulin
De gauche à droite, Gérard Baril, André Sloth et Claude Hucher portant le cercueil

En décembre 1964, nous étions au Bataillon de Joinville.


Nous venions de retrouver la caserne en revenant des Jeux Olympiques de Tokyo (ceux de 1964, bien sûr), quand le Capitaine Étienne nous fit appeler dans son bureau. Il avait fait savoir, par l'intermédiaire de l'adjudant de service, qu'il voulait voir les rameurs.

Nous ne savions pas pour quelle raison ; nous nous attendions au pire.

En entrant nous l'avons trouvé souriant, jovial, enjoué il nous lança tout de go:


« Ah, voilà nos rameurs, vous avez bien la tête de Croque-Morts !».


Aïe Aïe Aïe ! Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ?

Après lui avoir posé la question, il nous répondit :

« Voilà, Le Général (1) a décidé de faire entrer JEAN MOULIN au Panthéon. Pour cela, il a décidé que les porteurs seraient des sportifs de haut niveau. »

« C'est la raison pour laquelle il en a parlé au colonel Crespin, qui lui a d’abord conseillé les plus grands, c'est à dire les basketteurs, mais après essais, ces c.... ne savent pas marcher au pas ! C'est t’y vrai que pour porter les bateaux vous êtes obligés de marcher au pas ?»

Je me souviens lui avoir répondu par l'affirmative.

« Bon je prends les six plus grands qui sont les plus représentatifs, et les deux suivants seront remplaçants et serviront d'aides, entraînement tout à l'heure sous la responsabilité du sergent Louis !»


Les plus représentatifs ont étés dans l'ordre de taille :

- Claude Hucher 1,94 m

- André Sloth 1,93 m

- Gérard Bredel 1,93 m

- Michel Dumas 1,88 m

- Jean-Pierre Grimaud 1,87 m

- Gérard Baril 1,87 m


Les remplaçants ont étés:

- Pierre Maddaloni 1,84 m

- Christian Talayssat 1,82 m


Yves Fraisse (1,87 m) aurait pu faire partie de cette équipe, mais il fut directement exclu car, incorporé dans l’aviation ; il n'avait pas la bonne tenue.


Et nous voilà partis pour l’entraînement :

Je m’en souviens comme si c'était hier, vue la difficulté de marcher au pas rapproché, sans repères, après avoir démonté une porte (jouant le rôle de cercueil), pour que nos rameurs titulaires porteurs puissent s'entraîner efficacement.


Il a été nécessaire, évidement, pour bien représenter l'armée de cette époque, de repasser chez le coiffeur. C'est ce qui a été le plus difficile. Je suis passé en premier, le coiffeur a été sans pitié pour ma chevelure. En revanche les suivants ont mieux su négocier l’épaisseur du sabot, en faisant ressortir qu'ils planqueraient les éventuels cheveux rebelles dans le béret que nous devrions porter.


Enfin le jour J-1 arriva :


Tous les huit avons été embarqués dans une camionnette bâchée "Peugeot" discrète, nous assis à l’arrière sur des banquettes, et le sergent à l'avant avec le chauffeur. Direction l’île Saint Louis.

C'est à l'île Saint Louis, dans la crypte des anciens combattants que le cercueil reposait.

Nous étions bien en avance, aussi avions nous put prendre un chocolat bien chaud dans un bistro voisin.

Quand l'heure est arrivée, notre rôle débuta...


Un BR (camion militaire de transport de troupe) de l'armée française attendait à quelques mètres de la limite de la propriété des Anciens Combattants.

Les Anciens combattants ont amené le cercueil jusqu'à leur limite, puis ils l'ont passé à nos porteurs. Nous, les remplaçants (Christian et moi-même), nous avions pris place sur le BR. Nos porteurs nous ont passé le cercueil, nous l'avons hissé sur le plateau du camion et nous avons très consciencieusement placé le drapeau tricolore par-dessus.

Mais là, catastrophe, il y avait en ce jour solennel un vent abominable. Après deux ou trois essais, impossible que le drapeau tienne tout seul sur le cercueil. Il fallait donc improviser, et c'était diffusé en direct à la télé !

Un petit coup d’œil rapide avec Christian ; je lui ai signifié de pincer le drapeau par en dessous, sur toute la longueur du cercueil.

Bien que cela ait été discret, cela a été vu à la télé. Et le lendemain, le Commandant qui nous supervisait à l'INS (Institut National des Sports) pour la PO (Préparation Olympique), est venu nous féliciter pour cette initiative.

Honnêtement, c'est bien la seule fois de ma vie où j'ai été félicité par un supérieur, pendant mon passage chez les bidasses !


Une fois chargé, le BR pris le chemin du Panthéon, par les grandes avenues, devant une foule immense tout le long du parcours.


Notre camionnette a rejoint également le Panthéon, mais par de petites rues et traverses discrètes, de façon à être en position de réception à l'arrivée du cortège.


A l’arrivée nous, les remplaçants, somment montés sur le BR et avons passé le cercueil aux titulaires.

Ils l'ont placé dans un abri prévu à cet effet devant le Panthéon.

Notre mission avec Christian était terminée, mais pour nos 6 gaillards titulaires cela ne faisait que commencer ; car le lendemain c'était le grand jour...


Pour la petite histoire, comme il y avait un vent très très fort, à un moment donné, un béret a failli s'envoler et c'est le rameur de derrière qui l'a replacé en l'enfonçant fortement dans la tête de celui de devant.


JEAN MOULIN a été veillé toute la nuit par les anciens combattants.


Deuxième jour : l'entrée au Panthéon


Nous sommes arrivés toujours discrètement par un circuit étudié par notre sergent, et avons pris place à l'entrée du Panthéon.

Comme nous étions très en avance, avec quelques autres, nous avons trouvé sur la gauche en rentrant un escalier en colimaçon qui descendait dans la crypte. Nous l'avons pris, mais je ne vous raconterai pas ce que nous avons ressenti tellement c'était fort.


Une fois remonté nous avons assisté, mais sans rien entendre du FAMEUX discourt d’André Malraux, qui est resté dans les annales.

Une fois le discours terminé LE Président de la République, Le Général DE GAULLE et son Premier Ministre GEORGES POMPIDOU sont entrés, suivis des personnalités.

J'avoue humblement qu’en voyant passer le général, j'ai ressenti comme une illumination. Sensation que je n'ai revécue qu'une seule autre fois : quand j'ai vu pendant son tour à travers la foule, à Rome, le pape JEAN-PAUL 2.

Immédiatement après, nos rameurs sont allés récupérer JEAN MOULIN. Ils l'ont porté jusque dans la nef ; c'est ce qui a été conservé dans les archives de l'INA (Institut National de l'Audiovisuel), vers la 22ème minute de reportage. Sauf que le speaker, qui n'était pas Léon Zitrone, a annoncé : « porté par 4 soldats ». Le pôvre, comme on dit à Marseille, il n'avait qu'à regarder le direct, il aurait bien vu qu'ils étaient 6 !


Nos rameurs ont déposé le cercueil sur des tréteaux, dans la nef du panthéon. Après avoir replacé le drapeau tricolore sur le cercueil, ils se sont éclipsés discrètement.


Notre rôle était terminé.


Après le recueillement du Président DE GAULLE et du Premier Ministre POMPIDOU devant le cercueil, le personnel des Pompes Funèbres de Paris, est venu le chercher.

Ils l'ont descendu dans la crypte à la place où il repose encore actuellement.


Voilà comment des rameurs ont participé à la mise au Panthéon du Grand Résistant JEAN MOULIN !


P.S. : Remarque


Quand le Capitaine Étienne nous avait reçu, il avait bien dit Le Général, et non le Président de la République. Je pense que pour lui, militaire, la qualité de Général était supérieure à celle d'un Président de la République.



Pierre MADDALONI


(1) Note de la rédaction : le Général de Gaulle


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