Membre très discrète de l’équipe de France olympique, Catherine Wittrand rentre de RIO où elle a arbitré la régate olympique d'aviron avec ses 17 collègues arbitres internationaux. Parmi les différents postes assurés pendant cette semaine, elle a eu la chance de diriger la finale du 8+ féminin.Ancienne rameuse (niveau championnats de France) et barreuse (médaillée en championnats de France juniors 1974), elle assume cette mission sur tous les bassins de France depuis 1985 et du monde depuis 1989. Outre plusieurs manches de Coupe du Monde, Catherine a arbitré par le passé les championnats du monde juniors 1990 et 2011, les championnats du monde seniors 1993, 1996 et 2014.
Regrettant la discrétion générale autour de sa participation olympique, Catherine nous raconte ses Jeux Olympiques de Rio, y précisant sa vision essentielle du rôle d’arbitre au sein de la sphère « Aviron », rôle trop souvent ignoré pour ne pas dire méprisé voire critiqué.
J’ai découvert l’aviron à 15 ans, je venais d’arrêter la gymnastique mais ne pouvant restée sans activité physique je me suis inscrite au Cercle de l’Aviron de Nantes puisque j’habitais juste en face.
J’ai ramé de cadette à séniore mais également barré de nombreux équipages compte tenu de mon « gabarit ». C’est d’ailleurs ainsi que j’ai rencontré Philippe mon mari, qui était à la recherche d’un barreur lors de sa venue avec le Bataillon de Joinville pour la traditionnelle Tête de Rivière de Nantes.
Les circonstances personnelles et professionnelles nous ont amenés à cesser la pratique de l’aviron et c’est tout naturellement que je me suis investie dans l’arbitrage afin de rester en contact avec la compétition sans la contrainte des entrainements trop importants.
Après notre départ pour le Nord de la France, je me suis inscrite au club de Cambrai et j’ai commencé l’arbitrage, j’avais alors 25 ans, j’ai obtenu ma licence d’arbitre national en 1985 puis international en 1989.
Ce que j’affectionne le plus dans ce rôle de garant de l’équité et de la sécurité, c’est la possibilité de transmettre mon expérience, rassurer le jeune compétiteur qui s’aligne pour la 1ère fois au départ d’une course, lui faire comprendre que nous sommes là pour l’aider et veiller au bon déroulement des épreuves, de vérifier que son matériel ne présente aucun danger pour lui ou pour les autres.
Je m’efforce de rendre la relation arbitre/compétiteur la plus aidante et amicale possible mais la difficulté majeure reste l’image négative véhiculée non pas par les rameurs eux-mêmes mais bien souvent par les dirigeants; la reconnaissance de notre rôle et de notre implication est encore trop timorée et l’intégration de l’arbitre dans le dispositif sportif reste précaire. Certes l’arbitre est remercié pour son action, cité parfois, décrié aussi mais encore trop mis à l’écart.
La commission nationale de l’arbitrage et notamment par l’intermédiaire de sa présidente tend à faire connaitre nos actions ; chacun d’entre nous participe à sa manière à l’éducation et l’enseignement de nos règles, à commencer par nos interventions au sein des clubs, lors des stages départementaux, de ligue ou nationaux ; il n’est pas rare de découvrir que nos adeptes ignorent le code des régates et quand je dis adeptes, j’inclus les entraineurs.
L’arbitre est souvent perçu comme un « gendarme » cherchant la faute; dans d’autres disciplines l’obligation d’arbitrer pour jouer à son tour a été une façon de mieux comprendre notre rôle et de mieux assimiler les règles. L’ UNSS l’a compris en obligeant depuis quelques années, les académies à fournir un jeune officiel lors des championnats, la FSU commence à s’y mettre et je suis ravie de constater que pour bon nombre de ces jeunes arbitres, la découverte de nos fonctions les enthousiasme.
Les rameurs de Club nous connaissent, les collectifs très peu si nous n’appartenons pas à leur région, nous, nous connaissons leur parcours, mais lorsque nous nous retrouvons lors d’une manifestation internationale, nous sommes bien isolés. Certes nous ne portons aucun signe distinctif nous rattachant à une nation pendant les épreuves, notre impartialité étant de rigueur, mais nous constatons que le collectif ignore notre présence. La présentation des équipes d’un collectif par un trombinoscope devrait inclure celle de l’arbitre au même titre que celle des entraineurs, médecin ou kiné.
Durant ma carrière d’arbitre, bon nombre de souvenirs me reviennent, de la régate régionale où notre intervention est la plus sollicitée car l’aménagement des bassins est loin de ressembler à celui d’un bassin de championnats (pas d’Albano, pas de tour de départ ou d’arrivée…) à la régate Olympique.
Mes satisfactions sont avant tout les remerciements d’un entraineur pour avoir accompagné ses jeunes dans leur apprentissage ou le sourire de ces derniers qui se sont sentis écoutés et rassurés, mais rien ne remplace le stress et la fierté de suivre une finale d’un évènement majeur.
A RIO nous étions 18 arbitres officiels de nationalité différente épaulés par les NTO (arbitres locaux). J’ai eu le plaisir d’être informée de ma nomination par mail émanent de la FISA en octobre 2015 suite à la proposition de la FFA. Mais proposition ne veut pas dire désignation d’office.
18 arbitres pour un nombre plus important de nations participantes revient à dire que toutes les nations n’ont pas d’arbitres au sein du jury, pour mémoire il n’y avait pas de français aux JO de Londres.
Comme pour toutes régates, l’arbitre est amené à occuper différents postes, de la commission de contrôle (embarquement, débarquement, pesée rameurs/barreurs/bateaux) au départ, à l’arrivée et sur le parcours. Aucun poste n’est plus important qu’un autre, chacun de ces derniers apporte ses satisfactions et ses contraintes; mais que de rencontres, d’échanges et de plaisirs partagés. La complicité et la coordination d’une équipe au départ, l’intensité et la concentration de celle de l’arrivée, la communication et la compréhension de la commission de contrôle et la communion dans l’effort sur le parcours. Nous partageons le stress de l’Athlète, l’impatience de l’entraineur et la vibration des supporters et même si notre engagement nous impose de longues présences chaque jour de compétitions, nous avons la chance d’être au cœur de l’action.
L’arbitrage sur le parcours a changé, nous sommes en « Zonal » durant les épreuves qualificatives et nous suivons l’intégralité du parcours en finale, pour ma part j’ai eu le privilège de suivre la finale du 8+W, spectaculaire en puissance mais plus aisé qu’une finale de 2- par exemple où l’arbitre doit être attentif et vigilent à toute problématique de direction ou d’incident, bien sûr nous ne sommes pas pour autant à l’abri de ce genre de problème avec des bateaux barrés mais les risques sont moindres.
En terme d’anecdote, si le portugais est la langue du Brésil, nous avons eu le plaisir de rencontrer des gens accueillants, chaleureux et prêts à rendre service en faisant l’effort de parler anglais et pour certains même français. Ma première pilote de bateau arbitre, une jeune brésilienne m’a avoué avoir eu, lors de ses études, un professeur francophile qui lui a appris la « Marseillaise » et c’est très fière de cet enseignement qu’elle m’a chanté notre hymne national. Certains de nos sportifs de jeux collectifs pourraient en prendre exemple !!!
Notre séjour ayant commencé avant les épreuves des JO et poursuivis après ces derniers, nous avons eu l’occasion de découvrir cette ville gigantesque et son environnement. Située en bord de mer, son relief montagneux nous offre la possibilité d’admirer ses contours aux vues panoramiques de cartes postales; les déplacements y sont parfois difficiles tant la circulation urbaine est dense; en prenant le bus le premier reflex à avoir, est de s’accrocher fermement afin d’éviter tout risque de chute provoquée par un départ tonitruant du chauffeur, de ne pas avoir le mal des transports et avant tout de s’armer de patience car les lignes ne sont pas toujours régulières. Le métro reste le moyen de transport le plus rapide et le plus sécurisé, des rames sont exclusivement réservées aux femmes certains jours de la semaine aux heures indiquées. Une priorité est donnée aux personnes de plus de 60 ans (files aux guichets, tarifs réduits, « moi qui pensait en étant accompagnée de Philippe, pouvoir en profiter » que nenni seuls les brésiliens y ont accès !!!!) Coté nourriture, on y mange très bien pour un budget modeste, le « Caïpirinha » restant quant à lui l’apéritif local le plus prisé et la bière servie en 60cl. Bref un pays, une ville que les médias se sont trop vite empressés de décrier et qui méritent d’être découverts. Pour notre part nous sommes prêts à y retourner car grand comme 16 fois la France il faut beaucoup de temps pour tout explorer.
Après les Jeux, j’ai été informée par Josy BREGAL qu’un article paru sur Facebook faisait mention de mon intention de mettre un terme à ma fonction d’arbitre bénévole, elle s’en inquiétait. J’ai tout de suite démenti cette information et me suis interrogée sur le droit de diffuser de telles affirmations sans que j’en sois prévenue.
Il n’est pas question d’arrêter au contraire, forte de cette expérience, mon souhait est de transmettre à d’autres l’envie de s’investir dans un rôle riche d’émotions et de satisfactions. Ce n’est pas tant aux arbitres que je donnerais des conseils mais à nos dirigeants élus, qu’ils intègrent l’arbitrage comme une part essentielle du sport et qu’ils facilitent son développement.
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